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au grés de mes envies
4 mars 2013

David Bowie : un album sous sachet fraîcheur

David Bowie : un album sous sachet fraîcheur

David Bowie s'est offert les services de l'actrice britannique Tilda Swinton pour le clip de l'une des chansons de l'album,

 

Publiée à la surprise générale le 8 janvier, la chanson Where Are We Now ?, fêtant à la fois le retour inespéré et le 66e anniversaire de David Bowie, était un choc autant qu'une fausse piste. En amont d'un album, The Next Day, dont la sortie était annoncée le 11 mars - et qui est diffusé en streaming gratuit sur la plateforme iTunes jusqu'au 12 mars -, cette ballade fantomatique et sa vidéo, diffusées simultanément sur Internet, offraient la fragilité nostalgique d'une promenade d'outre-tombe ("Walking the Dead") dans un Berlin d'avant la chute du Mur, celui-là même où le chanteur écrivit, dans la seconde moitié des années 1970, quelques-unes des pages les plus passionnantes de sa discographie.

 

 

Cet intimisme crépusculaire se doublait des images grisâtres du clip réalisé par l'artiste vidéaste américain Tony Oursler - déjà à l'oeuvre au moment de l'albumOutside (1995) -, ne montrant de la star ressuscitée qu'un visage fatigué, projeté sur la tête d'une poupée de chiffon. On pouvait y interpréter les stigmates de la maladie dont les rumeurs s'étaient fait l'écho pour expliquer dix années d'absence. Le Dorian Gray du rock pouvait donc vieillir et mourir. Cela nourrirait sans doute le thème et l'ambiance d'un 24e album aux allures de chant du cygne (White Duke)... Eh bien, pas du tout.

Entendu lors d'une écoute collective chez Sony, puis décortiqué plusieurs fois au casque, toujours dans les locaux d'une maison de disques suivant fidèlement le diktat marketing du maître, The Next Day est d'abord une démonstration rock, bruyante, souvent brillante, parfois clinquante, que David Bowie pète le feu.

 

David Bowie dans le clip de l'une des chansons de son nouvel album,

 

VITALITÉ DÉMONSTRATIVE

"Nous savons tous qu'il a eu une alerte de santé en 2003, 2004", affirmait récemment Tony Visconti, complice historique et coproducteur de The Next Day, en référence au malaise cardiaque et à l'opération d'urgence subis, à l'époque, par l'icône britannique. "Mais David est en pleine forme, il a un teint de rose et sourit beaucoup. Il a toujours de la puissance dans son coffre et sa voix... Quand il commence à chanter, je dois reculer et passer dans une autre pièce pour le laisser seul face au micro."

Cette démonstrative vitalité s'affiche aussi dans un nouveau clip, The Stars (Are out Tonight), loin de l'humeur maussade de son prédécesseur. Réalisé cette fois par Floria Sigismondi (avec qui Bowie avait travaillé en 1996 et 1997), cette production colorée et aux guitares enlevées met en scène un Bowie à la soixantaine fringante jouant avec autodérision du statut des icônes publiques - "Nous ne nous débarrasserons jamais des stars/mais j'espère qu'elles vivront toujours" - et de son propre héritage. Multipliant les effets de miroirs avec l'actrice Tilda Swinton et de jeunes figurants, il contemple les doubles androgynes qui n'ont cessé d'habiter ses créations.

 

 

Ces clins d'oeil à des thématiques qui firent de lui un des novateurs les plus marquants de l'histoire du rock poussent aussi à s'interroger. Celui auquel le Victoria & Albert Museum de Londres, consacre à partir du 23 mars une ambitieuse exposition, "David Bowie Is", peut-il encore être un oracle pop ? Cette "toile blanche sur laquelle nous dessinons nos rêves", dont parlait le sociologue britannique Simon Frith ?

Si des problèmes de santé l'ont écarté de la vie artistique en 2003, la décennie de silence qu'il s'est imposée peut aussi s'interpréter comme le choix de profiter d'une petite fille, aujourd'hui âgée de 10 ans, et la conséquence d'une lassitude créatrice. Omniprésent depuis 1969, Bowie a pu constater que son impact est devenu moins déterminant au fil des années 1990. Son absence a depuis reconstruit le mythe, d'autant que des artistes de toute obédience n'ont cessé de clamer son influence. Ce nouvel album prend-il le risque d'écorner un éclat devenu historique ?

 

Pochette de l'album de David Bowie,

 

AUTOCITATIONS

La pochette de The Next Day apporte des éléments de réponse ambivalents. Détournement de la pochette de Heroes, l'un de ses plus célèbres albums, sur laquelle l'artiste Jonathan Barnbrook a barré le titre et posé un carré blanc, ce design témoigne d'un renoncement au passé, qui ne peut s'empêcher de s'y ancrer.

De fait, les autocitations pullulent dans ce disque, facilitées sans doute par la présence de Tony Visconti - treize albums en commun avec le chanteur depuis 1970 -, et de musiciens - Earl Slick et Gerry Leonard à la guitare, Gail Ann Dorsey à la basse, le surpuissant Sterling Campbell à la batterie... - présents sur les derniers enregistrements et tournées du chanteur.

Loin de se contenter de la période dite "berlinoise" (celle de Heroes), Bowie assume, dans un ensemble assez hétéroclite, plusieurs tendances d'une carrière polymorphe. On peut trouver dans des chansons comme Boss of Me ou le pénible If You Can See Me les architectures sinueuses et les distorsions cérébrales que les guitares de Robert Fripp ou Carlos Alomar offraient à Heroes,Lodger ou Scary Monsters. Surprenante quand un sax baryton gigote sur fond de blues cubique (Dirty Boys), cette tendance art rock se nourrit aussi (Love Is Lost) d'une théâtralité que l'ancien interprète de Baal a jadis empruntée à Kurt Weill. Le contexte anxiogène de textes à nouveau marqués par les concepts orwelliens, favorisant (parfois lourdement) cet expressionisme.

PÉRIODE GLAM

Les mélodies que Bowie chevauche avec le plus de panache se réfèrent aux élans romantiques de sa période glam. En alien chantre des ambiguïtés sexuelles,Ziggy Stardust donnait alors de l'émotion aux plus beaux artifices. Ces échos résonnent dans Valentine's Day, quand Earl Slick fait chanter l'électricité à la manière de Mick Ronson, guitar hero de la période Spiders from Mars, avant que des choeurs rappellent une nostalgie sixties qu'on trouvait déjà dans Drive in Saturday (1973). Le gracile I'd Rather Be High modernise cette touche rétro en baladant une guitare altière du côté de U2, avant que le chanteur retrouve le lyrisme d'un slow vieille école, You Feel so Lonely You Could Die, se concluant par une citation littérale à l'introduction de Five Years (1972).

Cette démonstration du "retour en forme", peu courante chez les artistes de sa génération, David Bowie l'accentue dans un chant faisant tout pour prouver sa vitalité. Avec le temps, son registre vocal s'est un peu rétréci, plus à l'aise désormais dans ses personnages de teigne cockney ou de vieil acariâtre, que dans celui du crooner existentiel. Même si Heat, sur fond de synthétiseur planant et de guitare sèche, joue des roucoulades inquiètes à la Scott Walker.

Stéphane Davet

Une exposition événement à Londres

 

Aucun artiste dans l'histoire du rock n'a poussé aussi loin que David Bowie les relations entre créations musicales et arts visuels. En construisant sa carrière sur de multiples métamorphoses, le chanteur anglais n'a cessé de nourrir ses chansons d'artefacts - costumes, vidéos, peintures, photos, maquillages, scénographies... - puisés aux sources avant-gardistes de la mode et des arts. On mesure dès lors l'intérêt que pourra avoir l'exposition "David Bowie Is" que le Victoria & Albert Museum de Londres (www.vam.ac.uk) consacrera à l'extraterrestre pop, du 23 mars au 11 août.

D'autant que l'artiste aux mille visages a donné accès à une collection personnelle d'objets, archivés depuis six décennies.

De la veste peinte de rayures alors qu'il n'était encore que collégien aux "platform boots" en vinyle rouge de Ziggy Stardust, des robes pionnières des ambiguïtés sexuelles au costume extravagant du Pierrot d'"Ashes to Ashes" en passant par des peintures, dessins ou manuscrits de chansons, cette profusion de matériaux et de documents devrait permettre de cerner le parcours et la personnalité kaléidoscopique de cette icône.

source :LE MONDE | 02.03.2013 à 19h56

 

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